How we survived communism and even laughed

J’avais besoin de prendre l’air, de passer deux jours seule, alors j’ai pris le train de nuit pour Zagreb.

J’ai arpenté les rues, les escaliers et les parcs. Je me suis abritée de la neige dans des cafés. J’ai acheté de l’huile de lavande au marché Dolac. J’ai ri jaune au Museum of Broken Relationships, j’ai été séduite par le Croatian Museum of Naïve art. Je suis rentrée dans l’échoppe d’un bouquiniste, je crois bien que c’était dans la rue Skalinska,

je, je, je, je, je,

et voilà que je tombe sur un livre de Slavenka Drakulić, parlant de cette époque où le nous remplaçait le je:

« How we survived communism and even laughed »

S. Drakulic

Dans ce livre paru en 1991, l’auteure part à la rencontre des femmes vivant dans différentes républiques de l’Union soviétique. Sur la base de ces entretiens et de ses propres souvenirs, elle dépeint la face cachée du communisme, loin des assemblées politiques et des discours des hommes: la (sur)vie des femmes à qui incombe au bout du compte de se procurer papier toilette et repas du soir. Tout en restant féminines et apprêtées.

(…) I was to give a paper on the same subject: Women in Eastern Europe. But before I started my speech, I took out one sanitary napkin and one Tampax and, holding them high in the air, I showed them to the audience. « I have just come from Bulgaria, » I said, « and believe me, women there don’t have either napkins or Tampaxes – they never had them, in fact. Nor do women in Poland, or Czechoslovakia, much less in the Soviet Union or Romania. This I hold as one of the proofs of why communism failed, because in the seventy years of its existence it couldn’t fulfil the basic needs of half the population. »

Slavenka Drakulić (1949), How we survived communism and even laughed

Petite parenthèse un poil abrupte pour promouvoir une bonne alternative à ce « problème » (rien à voir avec le communisme, même si on reste dans la couleur).

Pour revenir à ce livre, je l’ai dévoré dans le train de nuit qui me ramenait chez moi. Il m’a réconcilié avec beaucoup de choses, même si je ne saurais dire précisément avec quoi. Il n’est malheureusement pas traduit en français, mais il est écrit dans un anglais fluide et très abordable.

 

 

 

Le Maître et Marguerite

« В час жаркого весеннего заката на Патриарших прудах появилось двое граждан. »

Михаил Афанасьевич Булгаков (1891-1940), Мастер и Маргарита

 

« C’était à Moscou au déclin d’une journée printanière particulièrement chaude. Deux citoyens firent leur apparition sur la promenade de l’étang du Patriarche. »

Mikhaïl Boulgakov (1891-1940), Le Maître et Marguerite

 

étang du patriarche couleur

 

ouvrir Google Earth

chercher Moscou (Москва)

repérer l’ensemble de grands boulevards formants un anneau autour du centre-ville

chercher l’étang du patriarche (Патриаршие пруды), plan d’eau rectangulaire bordé d’arbres situé entre dix et onze heure sur le bord intérieur de cet anneau (en language scout et non de science-fiction)

flâner parmi les photos au bord de l’étang et peut-être retrouver celle qui m’a servi de modèle

passer sur street view et, en partant du nord, faire le tour de l’étang dans le sens des aiguilles d’une montre: chercher le café Strudel, un homme torse nu devant une camionnette blanche, faire reculer une voiture rouge (magie d’internet) et c’est au croisement de Ermolaevskiy pereulok (Ермолаевский переулок) et Malaya Bronnaya Ulitsa (Малая Бронная улица), là-même où Mikhaïl Alexandrovitch Berlioz perd la tête à la fin du chapitre trois, que notre petit tour s’achève

 

 

Livres et voyages

Victor Hugo

« Un livre est quelqu’un. Ne vous y fiez pas. Un livre est un engrenage. Prenez garde à ces lignes noires sur du papier blanc; ce sont des forces; elles se combinent, se composent, se décomposent, entrent l’une dans l’autre, pivotent l’une sur l’autre, se dévident, se nouent, s’accouplent, travaillent. Telle ligne mord, telle ligne serre et presse, telle ligne entraîne, telle ligne subjugue. Les idées sont un rouage. Vous vous sentez tiré par le livre. Il ne vous lâchera qu’après avoir donné une façon à votre esprit. »

Victor Hugo (1802-1885), Proses philosophiques

 

Nicolas Bouvier

« On ne voyage pas pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore, vous rende comme ces serviettes élimées qu’on vous tend avec un éclat de savon dans les bordels. »

Nicolas Bouvier (1929-1998), Le Poisson Scorpion

 

Engrenage, prenez garde, mord, essore… Quand je relis ces deux citations, je m’étonne de voir tant de mots à priori négatifs m’enchanter. J’aimerais partager ici ce que m’évoquent livres et voyages, hors des analyses littéraires et des attractions touristiques; faire vivre les mots par des images, des saveurs et imaginer des voyages.