Canada: transports

En bus


Je regarde dehors par la fenêtre

J’appuie des deux mains et du front sur la vitre
Ainsi, je touche le paysage,
Je touche ce que je vois,
Ce que je vois donne l’équilibre
À tout mon être qui s’y appuie.
Je suis énorme contre ce dehors
Opposé à la poussée de tout mon corps ;
Ma main, elle seule, cache trois maisons.
Je suis énorme, Énorme…
Monstrueusement énorme,
Tout mon être appuyé au dehors solidarisé.

Jean Aubert Loranger

En traversier

En train (et en retard)

Canada: maisons


Qui est cet homme ?

J’écris l’étroite maison rouge où passent des coulicous. Un homme avec une femme avec un enfant s’avancent dans un matin chargé d’impatientes. C’est un éveil à saveur de batture ; la largeur du ciel débonde la tête matinale. Il y a aussi le ventre du canot, son glissement de baume, la voie qu’il imprime dans le cœur. En contre-haut légèrement, la vie furtive du moqueur et son dernier tonnerre quand le renverse cet éclair épervier. Je ne parle pas. J’écris la saveur des premiers répertoires et dans le même souffle la plus dure flèche du carquois. J’écris ce qui chantait, ce qu’on attend au bord des fleuves, j’écris le claquement des canifs, l’escadrille qui fauche, j’écris un petit torse d’avenir, une poitrine consumée.

Pierre Morency


Y écouter des vinyles, aller au cinéma


Y croiser dans le jardin des biches et un lapin, ramasser des graines de lupin

Y regarder le soir tomber sur la ville, sortir manger dans le quartier…


Astor Theatre, 219 Main St, Liverpool (NS)

Doraku, 44 Ochterloney St, Dartmouth

Morley’s Coffee / Taz Records / Friction Books, 45 Portland St, Dartmouth


Pour planter le lupin, marche à suivre version canadienne ou française (grand-mère n’est pas rancunière…)

Canada: Nova Scotia – South

« Premier sentiment océanique

Je connais tout du Mouvement
sans savoir que je suis si vivante

Que je suis le premier fragment de la danse l’aile encore pliée sur mes branches à respirer. La première flamme. La première musique. Je sais seulement le trajet des sons pour la rencontre des rythmes et l’avancée des siècles. Et pour tout ce déploiement d’air dans la poitrine.

Nouvelle ère sans soupçon mais d’extrême connivence et de couleurs insoupçonnées. Soulèvement d’oxygène qui défie la mort. Premier sentiment océanique.
 »

Louky Bersianik


Marcher sur la plage jusqu’à l’extrême sud de la Nouvelle-Écosse,
Débusquer des phoques aux jumelles,
Sauter dans les rouleaux et manger des Lobster Rolls.


West Head Takeout, 81 Boundry St, Clark’s Harbour

Dan’s Ice Cream Shoppe, 3724 Nova Scotia Trunk 3, Barrington Passage

Canada: Nova Scotia – North

« Pris et protégé

Pris et protégé et condamné par la mer
Je flotte au creux des houles
Les colonnes du ciel pressent mes épaules
Mes yeux fermés refusent l’archange bleu
Les poids des profondeurs frissonnent sous moi
Je suis seul et nu
Je suis seul et sel
Je flotte à la dérive sur la mer
J’entends l’aspiration géante des dieux noyés
J’écoute les derniers silences
Au-delà des horizons morts
 »

Alain Grandbois

De l’île du Cap-Breton au Cap Split, le vent et les moustiques nous incitent à la pochade.
On s’empiffre de crustacés (coquilles St. Jacques, homards) et de tarte au prune à croûte double.
Les lupins de Pleasant Bay ont déjà fleuri, mais les roches et les marées de la baie de Fundy sont toujours là.


Petite promenade au lac de la mine de gypse près de Chéticamp (prendre les maillots): Gypsum Mine Trail
Grande promenade pour aller au Cap Split: Cape Split Hike

Canada: Québec


Québec, bordée par les larges flots du Saint-Laurent,
La rivière Saint-Charles s’y fait toute petite,
Elle ne fait ni la maline ni le poids face aux chutes Montmorency.

Au-bas de l’escalier Lépine (et ses banc suspendus brinquebalants), l’épine dans le pied du quartier St-Roch: le petit parc et la rue du Pont qui effrayent les ingénues sorties du Morrin College.

« …or je descends vers les quartiers minables bas et respirant dans leur remugle
je dérive dans les bouts de rues décousus…
 »: ces vers de Gaston Miron semblent de circonstance.

Oh! qui me rendra ma piscine, et mon hôtel sur la colline ?
Oh who will give me back my piscine, and my hotel up on the hill?

Québec, c’est aussi un hôtel au style floridien et la découverte d’Helen McNicoll au musée national des beaux-arts du Québec.


Hotel Royal Palace, 775 Av. Honoré-Mercier

Restaurant Sardines, 1 Rue Saint-Jean

Librairie Première Issue, 27 Rue D’Auteuil


pour continuer à (pseudo)citer du Nabokov: The Nabokovian

Canada: au chalet

« Éveil au seuil d’une fontaine

Ô ! spacieux loisir!
Fontaine intacte
Devant moi déroulée
À l’heure
Où quittant du sommeil
La pénétrante nuit
Dense forêt
Des songes inattendus
Je reprends mes yeux ouverts et lucides
Mes actes coutumiers et sans surprises
Premiers reflets en l’eau vierge du matin.
La nuit a tout effacé mes anciennes traces.
Sur l’eau égale
S’étend
La surface plane
Pure à perte de vue
D’une eau inconnue.
Et je sens dans mes doigts
À la racine de mon poignet
Dans tout le bras
Jusqu’à l’attache de l’épaule
Sourdre un geste
Qui se crée
Et dont j’ignore encore
L’enchantement profond.
 »

Anne Hébert

Un chalet, c’est derrière les arbres les voix d’amis chers,
Les quartes des bruants, le chant des ouaouarons,
Et la ritournelle d’un petit garçon.


À peine avions-nous échappé au « divorce boat », le kayak à deux places, voilà que le chant du bruant allait donner lieu à des discussions sur le rythme… il y avait une raison à cela, c’est la faute à la mode (et aux femelles, comme d’hab).
Article plus complet (en anglais) sur cette mode musicale chez les white-throated sparrows.


Quelques infos sur le Parc national du Mont-Tremblant

Canada: Montréal

« L’expérience géographique

Quelque chose en avant comme la ville
la peau parcourue à l’ombre des buildings
attendre quant aux géographies amoureuses
que ce texte du savoir et des saveurs
ne cache jamais ou trop
le désordre des cerveaux
cigarettes précises ou drague inconsolable
que la ville inédite rend mon corps
périlleux puisque émeute d’âmes
quelque chose dans l’été lisse
le début de l’amour
car klaxonnements et bruissements :
c’est la perte de mon identité.

La ville ou l’expérience, dis-je. »

André Roy

Montréal, ça commence sur le Mont Royal, pour voir le soleil se coucher encore plus à l’ouest et voler les vers-luisants.
Montréal, c’est la joie de manger un bagel à l’aube, en regardant filer un raton-laveur gris et gras.
Montréal, ses cookies, ses façades, ses ruelles vertes et fleuries.


Fairmount Bagel, 74 Av. Fairmount O

Café Différance, 449 Av. Viger O

Bar Darling, 4328 Boul. Saint-Laurent

Librairie Le port de tête, 222 Avenue du Mont-Royal

Treppen der Stadt, épisode 12: Fluhweg

Fluhweg

320 marches entre Berneggstrasse et Falkenburgstrasse

à voir: après 259 marches en montant, on arrive à une plate-forme d’observation avec une belle vue sur la vieille ville, la Mülenenschlucht (gorges de la Mülenen) et le Bodensee.

à faire: se reposer les jambes sur le banc en haut des escaliers, puis redescendre en ville par le chemin de la Mülenenschlucht, pour voir et entendre la Steinach de plus près. Si les jambes ne suivent plus, redescendre par le Mühleggbahn.

P&P 12: mystérieuse créature à cornes

Raie léopard, vaifiya madi, 1.4 m d’envergure

Un poisson (ou pas vraiment), un poème: épisode 12

Одни глядятся в ласковые взоры,
Другие пьют до солнечных лучей,
А я всю ночь веду переговоры
С неукротимой совестью своей.

Я говорю: «Твое несу я бремя
Тяжелое, ты знаешь, сколько лет.»
Но для нее не существует время,
И для нее пространства в мире нет.

И снова черный масленичный вечер,
Зловещий парк, неспешный бег коня
И полный счастья и веселья ветер,
С небесных круч слетевший на меня.

А надо мной спокойный и двурогий
Стоит свидетель… о, туда, туда,
По древней подкапризовой дороге,
Где лебеды и мертвая вода.

Les uns s’échangent de longs regards alanguis,
D’autres boivent jusqu’au lever du soleil,
Tandis que moi je marchande toute la nuit
Avec ma conscience farouche et rebelle.

Je dis: « Sais-tu depuis combien de temps déjà
Me voilà à te traîner comme un fardeau? »
Mais pour la conscience le temps n’existe pas,
L’espace non plus, ce ne sont que des mots.

Et de nouveau la sombre nuit de carnaval,
Sous le vent rempli de bonheur et de joie,
Dans ce funeste parc, le pas lent d’un cheval
Et ce vent tombé du ciel sifflant sur moi.

Mais en surplomb, avec son calme et ses deux cornes
Se tient un témoin… oh faites qu’on m’emporte
Par ce vieux chemin, sous le Caprice qui l’orne,
Là, là où les cygnes glissent sur l’eau morte.

Anna Akhmatova
3 novembre 1935
Maison sur la Fontanka

Pieds: 12/11
(original: 11/10)
Rimes croisées


Note de la traductrice: le Caprice est un élément architectural séparant les parcs Catherine et Alexandre à Pouchkine, près de St. Pétersbourg.

Qui est ce témoin, tranquille, avec ses deux cornes ?
J’étais partie tout feu tout flamme dans l’idée qu’il s’agit du diable, d’autant plus qu’Akhmatova parle plus haut des va-et-vient de sa conscience: c’est cette Tentation de Milou qui s’impose à mon esprit et peut-être le trouble.
J’ai ensuite cherché en vain une statue cornue dans les environs du Caprice, idée suggérée par mon vis-à-vis, peine perdue.
La question reste ouverte pour le moment.


Un personnage en surplomb et à cornes ? Dans mon cahier de créatures marines, il s’agit à coup sûr d’une raie !

Treppen der Stadt, épisode 11: Birtweg

Birtweg

134 marches entre Steingrüeblistrasse et Speicherstrasse

à voir: une jolie perspective sur les deux tours de la cathédrale depuis l’Axensteinstrasse

à faire: remplir son panier de Panettone en-bas de l’escalier ( la Fabbrica del Panettone est ouverte en période de l’Avent, sinon la Panetteria est 200m plus loin); enquiller des paniers au mini terrain de basket au bout de l’Axensteinstrasse; déballer son panier de pique-nique sur l’herbe du petit parc adjacent