По полу лучи луны разлились.
Сердце сразу замерло, зажглось,
И блаженно пальцы опустились
В волны светлых, словно лен, волос.
Молния блеснула, точно спичка,
И на тусклом небе умерла.
В белом платье ласковая птичка
На кровати у меня спала.
Встрепенулась и сложила руки,
Зашептав: «О, Боже, где же Ты?»
Голоса пленительные звуки
Помню, помню, какони чисты.
La lueur de la lune s’étirait par terre.
Mon coeur se figea, s’embrasa soudain,
Et mes doigts béats dans les vagues se posèrent,
Vagues de cheveux clairs, semblables à du lin.
Un éclair scintilla, comme une alumette,
Et alla mourir dans le noir du ciel.
Dans sa robe blanche une tendre alouette
Avait sur mon lit étendu ses ailes.
Elle se réveilla et se tordit les mains,
En chuchotant: « Oh, mon Dieu, où es-Tu ? »
De sa voix captivante je me souviens,
Et ses accents purs je n’oublierai plus.
Anna Akhmatova
<1909>
Pieds: 11/10
(original 10/9)
Ce qui me chiffonne, c’est de voir ce poème écrit par une femme, selon la conjugaison des verbes, du point de vue d’un homme. En russe, l’oiseau est un nom féminin, et ici il porte une robe. Pas d’ambiguïté possible.
Était-il inenvisageable de dépeindre un tendre oiselet dans sa chemise blanche ? Ou le féminin est-il plus simple à faire rimer ?
L’éternel féminin et ses accessoires se retrouvent aussi chez les poissons: une demoiselle, une poule et un diadème.
Pour bien enfoncer le clou et montrer que ces histoires de femmes graciles alanguies sur un lit c’est des bobards, vous noterez qu’une alouette n’est jamais blanche (tout au plus elle a une queue) et que se tordre les mains est hors de portée pour un oiseau.
En russe, l’alouette est un nom masculin: жаворонок (zhavoronok).
Fin de cette série poético-poissonnesque, allons nous coucher en écoutant l’Alouette de Glinka.