Ishikari 5 – arrivée à la mer

Étape n°1
Étape n°2
Étape n°3
Étape n°4

Étape n°5: Shinshinotsu – Embouchure de l’Ishikari, 50 km

Dernière étape de notre descente de l’Ishikari, qui se jette dans la mer au nord de Sapporo.

On file plein sud jusqu’à la ville d’Ebetsu. Retour à la vie citadine et retour aux bonnes habitudes, il nous faut une librairie, un parc et un petit restaurant pour ce début de journée: Ebetsu Tsutaya Books, Moerenuma Park, 鳥ぶじ (un restaurant de yakitori).

Dernier shot de nature à la tourbière de Makunbetsu et ses choux puants: réminiscence de notre deuxième étape.

Derniers mètres de l’Ishikari, et pour l’accompagner jusqu’au bout, nous allons jusqu’à la pointe nord du parc Hamanasu no oka.
Hamanasu, littéralement aubergine de rivage: voilà qui donne faim ! Les allemands l’appellent d’ailleurs la rose patate (Kartoffel-Rose). En français, on trouve l’expression tomate de plage, outre ses noms moins gourmands de rosier rugueux ou rosier du Japon.
Oka signifie quelque chose comme la colline: n’ayez crainte, amis cyclistes, c’est une colline bien plate, mais elle est paraît-il venteuse et comme tout bon tour à vélo s’achevant en bord de mer, les derniers kilomètres se feront avec un vent de face !

Akhmatova 19 – Pavés

La série des poissons illustrants des poèmes et sur pause: il faudra attendre juillet pour de nouveaux dessins.
En attendant les traductions s’empilent, et j’entame une nouvelle série d’illustrations rapides, inspirées par des photos prises dans la ville (et qui me font penser de près ou de loin à Akhmatova).

Entre P&P 17 et Akhmatova 19, il manque le numéro 18: il s’agit du poème Le saule (Ива), qui me ferait presque pleurer, tant il me donne du fil à retordre.



Маяковский в 1913 году

Я тебя в твоей не знала славе,
Помню только бурный твой рассвет,
Но, быть может, я сегодня вправе
Вспомнить день тех отдаленных лет.
Как в стихах твоих крепчали звуки,
Новые роились голоса…
Не ленились молодые руки,
Грозные ты возводил леса.
Все, чего касался ты, казалось
Не таким, как было до тех пор,
То, что разрушал ты, – разрушалось,
В каждом слове бился приговор.
Одинок и часто недоволен,
С нетерпеньем (?) торопил судьбу,
Знал, что скоро выйдешь весел, волен

На свою великую борьбу.
И уже отзывный гул прилива
Слышался, когда ты нам читал,
Дождь косил свои глаза гневливо,
С городом ты в буйный спор вступал.
И еще не слышанное имя
Молнией влетело в душный зал,
Чтобы ныне, всей страной хранимо,
Зазвучать, как боевой сигнал.

Maïakovsky en 1913

Je ne te connaissais pas au temps de ta gloire,
Mais je me souviens de tes fougueux débuts,
Et peut-être suis-je quand même en droit ce soir
D’évoquer un jour de ce temps révolu.
Comme dans tes vers, les sons montaient crescendo,
Ce brouhaha fourmillait de voix nouvelles…
Toi, tu bâtissais de monstrueux échafauds
Et tes jeunes mains s’affairaient de plus belle.
Tout ce qui autrefois avait pu te toucher
Ne t’émouvais plus de la même façon,
Ce que tu avais assailli gisait brisé,
Chaque mot portait une condamnation.
Être solitaire et rarement satisfait,
Tu pressais le destin avec impatience
En sachant que bientôt, joyeux, tu t’en irais
Libre d’aller mener ton combat immense.
Et déjà c’était la marée qu’on entendait,
Le bruit du ressac, quand tu lisais pour nous,
La lune en colère avec ses yeux qui louchaient,
La ville sur qui s’abattait ton courroux.
Ton nom que personne encore ne connaissait
Vola soudain dans l’air lourd, tel un éclair,
Et aujourd’hui chéri par le peuple au complet
On l’entend résonner comme un cri de guerre.

Anna Akhmatova
3-10 mars 1940

Pieds: 12/11
(original: 10/9)
Vers croisés


J’ai choisi, une fois n’est pas coutume, d’ajouter deux pieds à l’original: mal m’en a pris, le résultat est passablement indigeste. Le pauvre Maïakovski méritait mieux que ça!


Maïakovski: son nom reste pour moi celui de ma rue, de ma station de métro. Voilà pourquoi il se retrouve illustré par des pavés disjoints.

Maïakovski, avant d’être le nom d’une rue, était l’auteur d’un livre en russe que grand-papa avait sorti d’une armoire: Любовь – это сердце всего.
L’amour – c’est le cœur de tout, ou Amour – au coeur de tout: libre à moi d’inventer le titre en français, vu qu’il n’est pas encore traduit. Il s’agit de la correspondance amoureuse du poète avec Lili Brik.
Je ne pouvais pas encore le lire à l’époque, mais il attend patiemment son heure dans ma bibliothèque: cette année sera-t-elle la bonne ?

Entrée-Plat-Dessert



(photo de l’originale, restée à Winterthur pour l’exposition: pas pensé à la copier entre le manque de sommeil et l’odeur de croissants du brunch)


19.10.24, 12h00 – 20.10.24, 10:31

Quel plaisir de se retrouver à l’Alte Kaserne de Winterthur pour une nouvelle édition du 24-Hour Comic, organisé par le Comic Panel Winterthur.

J’avais décidé de prendre comme fil conducteur l’horloge organique de la médecine traditionnelle chinoise. Et comme protagonistes, plus ou moins les mêmes petits bonhommes que la dernière fois.


Le tout sera scanné plus proprement une fois l’expo à Winterthur terminée.

P&P 17: pour ses beaux yeux

Poisson-ange duc, kula kokaamas, 20 cm

Un poisson, un poème: épisode 17

Клеопатра

« Александрийские чертоги
Покрыла сладостная тень. »
Пушкин

Уже целовала Антония мертвые губы,
Уже на коленях пред Августом слезы лила…
И предали слуги. Грохочут победные трубы
Под римским орлом, и вечерняя стелется мгла.
И входит последний плененный ее красотою,
Высокий и статный, и шепчет в смятении он:
«Тебя – как рабыню… в триумфе пошлет пред собою…»
Но шеи лебяжьей все так же спокоен наклон.

А завтра детей закуют. О, как мало осталось
Ей дела на свете – еще с мужиком пошутить
И черную змейку, как будто прощальную жалость,
На смуглую грудь равнодушной рукой положить.

Cléopâtre

« Une ombre douce recouvrit
Le palais d’Alexandrie. »
Pouchkine

Déjà elle avait embrassé les lèvres mortes d’Antoine,
Déjà elle avait aux pieds d’Auguste versé ses pleurs…
Grondants sous l’aigle romain, les trompettes de la victoire,
La nuit qui tombe et elle, trahie par ses serviteurs.
Entre alors le dernier homme que sa beauté a ravi,
Grand et fort, il ne peut dans son trouble que murmurer:
 « Toi, comme une esclave… menée en triomphe devant lui… »
Mais le long cou de cygne reste calme et penché.

Demain ses enfants seront enchaînés. Oh, c’est tout le peu
Qu’il lui reste ici-bas – prendre avec l’homme un ton badin,
Et d’une main indifférente, comme un cadeau d’adieu,
Déposer un serpent noir sur le bronze de son sein.

Anna Akhmatova
7 février 1940

Pieds: 15/14/…/15/13//15/14/15/14
Vers croisés


Heureux hasard, le dernier poisson de la série est le poisson-ange royal (ou poisson-ange duc): parfait pour Cléopâtre.
Qui plus est, sa robe ne fait-elle pas penser aux traits de khôl, qui soulignaient les yeux de madame ? Khôl, dérivé de l’araméen khulā: bingo, c’est quasi le nom (kula) de notre poisson-ange (kokaamas) en divehi !


Akhmatova prend un peu de liberté sur la rime des vers 9 (осталось) et 11 (жалость): je m’en accorde une aux vers 1 (Antoine) et 3 (victoire).

P&P 16: foyer, fuyez!

Poisson-clown des Maldives, dhivehi maagandumas, 9 cm

Un poisson, un poème: épisode 16

От тебя я сердце скрыла,
Словно бросила в Неву…
Прирученной и бескрылой
Я в дому твоем живу.
Только… ночью слышу скрипы.
Что там – – в сумраках чужих?
Шереметевские липы…
Перекличка домовых…
Осторожно подступает,
Как журчание воды,
К уху жарко приникает
Черный шепоток беды –
И бормочет, словно дело
Ей всю ночь возиться тут:
«Ты уюта захотела,
Знаешь, где он – твой уют?»

J’ai caché mon coeur loin de ta vue,
Comme jeté dans la Neva…
Apprivoisée, les ailes rompues,
J’habite maintenant chez toi.
Mais… la nuit j’entends des grincements.
Qu’y a-t-il dans l’obscurité?
Les tilleuls frémissants sous le vent…
L’appel de l’esprit du foyer…
Pareil au bruit de l’eau qui ruisselle,
Il s’approche à pas de voleur
Et vient me susurrer à l’oreille,
Le noir murmure du malheur –
Il grommèle comme s’il devait
Passer la nuit à chahuter:
 « C’est le confort que tu désirais,
Eh bien alors, l’as-tu trouvé? »

Anna Akhmatova
1936

Pieds: 9/8
(original: 8/7)
Vers croisés


Une foyer où l’on ne se sent plus en sécurité ? Mais c’est l’anémone des parents de Nemo!


Dans l’original, les tilleuls sont шереметевские, c’est à dire (du palais) de Cheremetiev: c’est qu’Anna Akhmatova a habité plus de trente ans.

Dans le rôle de l’esprit du foyer, vous aurez reconnu le domovoï.

P&P15: b(l)ancs de poissons

Tamarin à bande noires, galhi kendi thunbodu hikaa, 40 cm

Un poisson, un poème: épisode 15

Заклинание

Из высоких ворот,
Из заохтенских болот,
Путем нехоженым,
Лугом некошеным,
Сквозь ночной кордон,
Под пасхальный звон,
Незваный,
Несуженый,
Приди ко мне ужинать.

Incantation

De sous les hautes portes-cochères,
Des marais par-delà la rivière,
Par des pistes jamais foulées,
Par des prairies abandonnées,
À l’insu des sentinelles,
Pâques sonnants de plus belle,
Spontané,
Inespéré,
Viens prendre le souper chez moi.

Anna Akhmatova
15 avril 1936

Pieds: 9/9/8/8/7/7/3/4/8
(original: 6/7/6/6/5/5/3/4/7)
Vers croisés


Le poisson du jour a de larges blancs sur le dos, cette traduction aussi: beaucoup d’informations du poème ont été passées à la moulinette des rimes et des pieds.
Les marais par-delà la rivière, ce sont les marais de l’Okhta.
Les prairies abandonnées sont des champs pas fauchés.
Les sentinelles sont un cordon (de police) nocturne.
Inespéré, pour dire à l’improviste.

Comme il s’agit d’une incantation, j’ai essayé de privilégier le rythme et les répétitions, à la manière d’une formule magique.


P&P 14: cocher toutes les cases (non)

Poisson-papillon cocher, naruvaa bibee, 18 cm

Un poisson, un poème: épisode 14

Воронеж

И город весь стоит оледенелый.
Как под стеклом деревья, стены, снег.
По хрусталям я прохожу несмело.
Узорных санок так неверен бег.
А над Петром воронежским – вороны,
Да тополя, и свод светло-зеленый,
Размытый, мутный, в солнечной пыли,
И Куликовской битвой веют склоны.
Могучей, победительной земли.
И тополя, как сдвинутые чаши,
Над нами сразу зазвенят сильней,
Как будто пьют за ликование наше
На брачном пире тысячи гостей.

А в комнате опального поэта
Дежурят страх и Муза в свой черед.
И ночь идет,
Которая не ведает рассвета.

Voronej

La ville est couverte de givre, tout est glacé.
Les arbres, les murs et la neige mis sous verre.
J’avance sur les cristaux d’un pas mal assuré.
Des traîneaux colorés glissent, course précaire.
Et perchés sur la statue de Pierre, des corbeaux,
Des peupliers se dressent, des coupoles vert d’eau,
Délavées et mates sous les grains de lumière;
Les échos de la bataille de Koulikovo
Résonnent toujours sur cette glorieuse terre.
Et les peupliers, calices tendus vers le ciel,
Entrechoquent leurs branches au-dessus de nos têtes,
Tels les hôtes innombrables d’un banquet fraternel
Buvant à la joie dans l’euphorie de la fête.

Mais dans la mansarde du poète disgracié,
La peur et la Muse régissent en cadence.
Et la nuit commence,
Une nuit qu’aucune aube ne viendra soulager.

Anna Akhmatova
4 mars 1936

Pieds: 13/12/13/12//13/13/12//13/12/13/12/13/12//13/12/5/13
(original: 11/10/11/10//11/11/10// 11/10/11/10/11/10//11/10/4/11)
Vers croisés; vers 5, 6 et 8 rimés; dernier bloc en xyyx


Le poisson-papillon cocher, comme rappel des traîneaux colorés mais surtout comme rappel à moi-même: impossible en traduction de cocher toutes les cases !

À choisir entre la véracité zoologique et le plaisir d’une allitération, j’ai suivi la voix de la raison.
Adieu donc воронежским – вороны (voronezhskim – vorony: jouant sur la proximité phonétique de Voronej et les corbeaux).
Et sur la statue de Pierre piaillent les moineaux… c’était une solution élégante, mais peut-on décemment remplacer des corbeaux par des moineaux ?!

Autre choix difficile dans les quatre derniers vers. Le terme disgracié ne me plaît pas, mais l’alternative est bancale:
Cependant dans la chambre du poète en disgrâce,
La peur et la Muse régissent en cadence.
Et la nuit commence,
Nuit qu’aucune aube ne viendra soulager, hélas.

J’ai pris le parti de rajouter deux pieds par rapport à l’original: le bilan est en demi-teinte, je me suis retrouvée à devoir gonfler des vers artificiellement.

Un Voronej pas encore tout à fait abouti.


Le Pierre de la statue est évidemment Pierre le Grand, le voilà ici en photo (sans volatiles autour: il a plus de chances que les lions sur la Piazza del Duomo à Milan).

En parlant de volatiles, il sont aussi cachés dans le nom de la bataille de Koulikovo !

P&P 13: le regard du poète

Poisson-ange à tête bleue, boa rendhoo kokaamas, 40 cm

Un poisson, un poème: épisode 13

Поэт

Он, сам себя сравнивший с конским глазом,
Косится, смотрит, видит, узнает,
И вот уже расплавленным алмазом
Сияют лужи, изнывает лед.

В лиловой мгле покоятся задворки,
Платформы, бревна, листья, облака.
Свист паровоза, хруст арбузной корки,
В душистой лайке робкая рука.

Звенит, гремит, скрежещет, бьет прибоем
И вдруг притихнет – это значит, он
Пугливо побирается по хвоям,
Чтоб не спугнуть пространства чуткий сон.

И это значит, он считает зерна
В пустых колосьях, это значит, он
К плите дарьяльской, проклятой и черной,
Опять пришел с каких-то похорон.

И снова жжет московская истома,
Звенит вдали смертельный бубенец…
Кто заблудился в двух шагах от дома,
Где снег по пояс и всему конец?

За то, что дым сравнил с Лаокооном,
Кладбищенский воспел чертополох,
За то, что мир наполнил новым звоном
В пространстве новом отраженных строф,-

Он награжден каким-то вечным детством,
Той щедростью и зоркостью светил,
И вся земля была его наследством,
А он ее со всеми разделил.

Le poète

Lui, de son oeil de cheval, comme il aime à le dire,
Il louche, regarde, voit puis enfin comprend,
Et tel un diamant fondu, on voit la flaque luire,
La glace se fendre sous son regard ardent.

Dans la brume mauve somnolent des cours en vrac,
Des quais, des tas de bois, des feuilles et des nuages,
Le sifflet d’un train, des peaux de pastèque qui craquent,
Gantée de cuir parfumé, une main trop sage.

Ça résonne, grince, gronde, déferle et puis là,
Soudain, le calme revient – c’est parce qu’il veille,
Avançant craintivement sous les pins, à ne pas
Tirer l’esprit des lieux de son léger sommeil.

Et le calme revient, alors qu’il compte les grains
Dans des épis vides ou alors quand, revenant
D’obsèques, se dressent funestes sur son chemin
La passe de Darial et ses murs menaçants.

De nouveau Moscou, sa langueur qui le fait brûler,
Dans le lointain, la Mort fait tinter son grelot…
Qui donc s’est égaré à quelques pas du foyer,
Dans la neige jusqu’à la taille, mort, bientôt?

Parce qu’il compara fumée et Laokoon
Et qu’il a chanté les chardons des cimetières,
Parce qu’il a empli le monde d’un nouveau son
Et tendu le miroir de ses strophes à la Terre,

Une enfance éternelle en guise de récompense,
Généreux et le regard affuté sur tout,
Il a reçu comme héritage le monde immense
Et il le partage tout entier avec nous.

Anna Akhmatova
19 janvier 1936

Pieds: 13/12
(original: 11/10)
Vers croisés


Le poète, de son oeil qui louche, nous donne un autre regard sur le monde. Le poisson du jour est pour certains un poisson-ange à tête bleue, pour d’autre un poisson-ange à front jaune (idem en anglais et en allemand): personne n’a tort, les regards sont différents.

Idem pour les cours en vrac qui ne sont en vrac que pour rimer avec les pastèques qui craquent ! L’original ne le précise pas, mais du vrac ne dépareille pas dans une arrière-cour.


Mea Culpa, lieber Heinz Czechowski: votre traduction du huitième vers « Schüchtern die Hand im duftenden Glacé » était tout à fait juste.

Le mot qui m’a donné du fil à retordre, c’était la лайка (laïka) odorante du huitième vers. La fameuse chienne de l’espace n’était pas née à l’époque et la piste du chien ne me convenait pas: il n’aurait pas été odorant (душистой) mais duveteux (пушистой) !
En bulgare, лайка veut dire camomille et j’ai soupçonné qu’il s’agissait de ça ici. J’aimais même beaucoup ma traduction:

Dans la brume mauve somnolent des cours en vrac,
Des quais, des nuages, du feuillage et des billes,
Le sifflet d’un train, des peaux de pastèque qui craquent,
Une main timide cueillant la camomille.

Des quais, des nuages, du feuillage et des billes: je vois d’ici les yeux ronds… les billes (de bois) étaient la solution que j’avais trouvée pour traduire les rondins (бревна) et préserver la rime.

Il a fallu la perspicacité d’un collègue russe pour me mettre sur la piste d’un mot inconnu de mon dictionnaire: лайка, Glacé (en allemand), ou fin cuir de chevreau !
Herr Czechowski ne pensait donc pas à une glace, mais avait tout compris.

Et parce qu’un chien en cachait un autre: au XIIème siècle en Russie, on appelait cette sorte de cuir « cuir de chien » (собачкая)… parce que l’on utilisait des peaux de chien.


La passe de Darial se situe dans le Caucase et est au romantisme russe ce que les gorges des Schöllenen (et le fameux pont du diable) sont pour leurs homologues européens.

Pourquoi Laokoon (en quatre syllabes !) est-il comparé à une fumée ? La réponse doit se trouver dans un poème de Boris Pasternak, qui semble être le poète duquel parle ici Akhmatova.

P&P 12: mystérieuse créature à cornes

Raie léopard, vaifiya madi, 1.4 m d’envergure

Un poisson (ou pas vraiment), un poème: épisode 12

Одни глядятся в ласковые взоры,
Другие пьют до солнечных лучей,
А я всю ночь веду переговоры
С неукротимой совестью своей.

Я говорю: «Твое несу я бремя
Тяжелое, ты знаешь, сколько лет.»
Но для нее не существует время,
И для нее пространства в мире нет.

И снова черный масленичный вечер,
Зловещий парк, неспешный бег коня
И полный счастья и веселья ветер,
С небесных круч слетевший на меня.

А надо мной спокойный и двурогий
Стоит свидетель… о, туда, туда,
По древней подкапризовой дороге,
Где лебеды и мертвая вода.

Les uns s’échangent de longs regards alanguis,
D’autres boivent jusqu’au lever du soleil,
Tandis que moi je marchande toute la nuit
Avec ma conscience farouche et rebelle.

Je dis: « Sais-tu depuis combien de temps déjà
Me voilà à te traîner comme un fardeau? »
Mais pour la conscience le temps n’existe pas,
L’espace non plus, ce ne sont que des mots.

Et de nouveau la sombre nuit de carnaval,
Sous le vent rempli de bonheur et de joie,
Dans ce funeste parc, le pas lent d’un cheval
Et ce vent tombé du ciel sifflant sur moi.

Mais en surplomb, avec son calme et ses deux cornes
Se tient un témoin… oh faites qu’on m’emporte
Par ce vieux chemin, sous le Caprice qui l’orne,
Là, là où les cygnes glissent sur l’eau morte.

Anna Akhmatova
3 novembre 1935
Maison sur la Fontanka

Pieds: 12/11
(original: 11/10)
Rimes croisées


Note de la traductrice: le Caprice est un élément architectural séparant les parcs Catherine et Alexandre à Pouchkine, près de St. Pétersbourg.

Qui est ce témoin, tranquille, avec ses deux cornes ?
J’étais partie tout feu tout flamme dans l’idée qu’il s’agit du diable, d’autant plus qu’Akhmatova parle plus haut des va-et-vient de sa conscience: c’est cette Tentation de Milou qui s’impose à mon esprit et peut-être le trouble.
J’ai ensuite cherché en vain une statue cornue dans les environs du Caprice, idée suggérée par mon vis-à-vis, peine perdue.
La question reste ouverte pour le moment.


Un personnage en surplomb et à cornes ? Dans mon cahier de créatures marines, il s’agit à coup sûr d’une raie !