Akhmatova, Requiem-2


(début et références ici)

En guise d’introduction

Durant les terribles années de la Iejovchtchina, je passais dix-sept mois à faire la queue devant les prisons de Leningrad. Un jour, quelqu’un me reconnut. Alors, debout derrière moi, une femme aux lèvres bleuies sortit de la torpeur qui nous saisissait tous. Elle me demanda à l’oreille (là-bas tout le monde chuchotait):

-Et ça, vous pouvez l’écrire ?

Je répondis:

-Je peux.

Quelque chose de l’ordre d’un sourire glissa alors sur ce qui, un jour, avait été son visage.

1 avril 1957.
Leningrad


Вместо предисловия

B страшные годы ежовщины я провела семнадцать месяцев в тюремных очередях в Ленинграде. Как-то раз кто-то « опознал » меня. Тогда стоящая за мной женщина с голубыми губами, которая, конечно, никогда не слыхала моего имени, отчнулась от свойственного нам всем оцепенения и спросила меня на ухо (там все говорили шепотом):

-А это вы можете описать ?

И я сказала:

-Могу.

Тогда что-то вроде улыбки скользнуло по тому, что некогда было ее лицом.

1 апреля 1957 года.
Ленинград.


sur la place de l’adjectif

Akhmatova, Requiem-1



Non, je n’étais ni sous un ciel étranger,

Ni abritée par des ailes étrangères,

Je me trouvais en ces heures avec mon peuple,

Là où, hélas, mon peuple se trouvait.


Traduction (provisoire) de ces vers d’Anna Akhmatova, tirés de Requiem:

Нет, и не под чуждым небосводом,

И не под защитой чуждых крыл, –

Я была тогда с моим народом,

Там, где мой народ, к несчастью, был.


But: respecter le rythme (10-9-10-9, qui passe à 11-10-11-10), et les répétitions de чуждым, была et народом.


Illustration d’après une photo de Leningrad dans les années 1920-1930, trouvée ici.

pêches/sehcêp

Nouveau samedi sans soleil, je recours aux mêmes artifices que la dernière fois: comme promis, c’est le tour des pêches !

Les pêches semblent avoir la cote en cette fin du XIXème siècle: après avoir rendu cette jeune fille célèbre, elles immortalisèrent le nom d’une fameuse cantatrice.


Le papa de la jeune fille et le peintre sont également des personnages intéressants.

Pour aller plus loin sur le thème de « envers-endroit », un enchainement de yoga sympa découvert ce matin: la salutation à la lune.

fraises/sesiarf

Une parfaite journée de novembre, grise et pluvieuse à souhait: pour s’en dépêtrer, on va la lui faire à l’envers. Non par esprit de contradiction, mais pour flatter l’hémisphère droit du cerveau (lecture d’insomniaque commencée à 3h ce matin, à prendre avec quelques pincettes).

Rêver de fraises en novembre, penser à un tableau de Chagall, copier Bella et Ida la tête en bas (la leur…) sur un papier pas trop opaque puis retourner la feuille pour un effet délavé.

Le prochain samedi pluvieux, j’attaquerai Serov et ses pêches.


Je ne résiste pas à déposer ce lien qui, grâce aux joies des traductions automatiques, nous apprend que ce Navet a été peint au beurre.

Et pour continuer sur la lancée de l’envers, si l’on appelle 3h du matin l’heure du diable, c’est que c’est l’opposé de 15h, heure de la mort du Christ… oui ma bonne dame !

Dieppe’s diapers


Fin septembre, à Dieppe, un bébé d’aluminium était conçu à grands coups de collage-rivetage. 669 km plus à l’est, je faisais en guise de babyshower cuire des artichauts à la vapeur.

À défaut de pouvoir faire le pied de grue devant la maternité, je faisais les cent pas dans le quartier du port. Je restais prise Quai du Carénage dans les filets gras et houblonnés de Chez Polette puis captivée par une photo de La Cravache d’Or: Atmosphère à mi-chemin entre Delicatessen (nous voilà justement à la rue Tête de Boeuf) et La Cité des enfants perdus. Souhaitons à notre petite Alpine des rêves moins angoissants.

L’eau de cuisson des artichauts s’est révélée d’un vert profond, parfait pour peindre ce ciel dieppois !
Il ne manque plus qu’un peu de bleu.


D(aikon en pickle)s

La Table de Mangeleïev, épisode 6

Pickles de daikon -> bon pour le microbiote intestinal -> Darmstadt -> Ds, symbole chimique du darmstadtium -> synthétisé pour la première fois par Peter Armbruster (et Gottfried Münzenberg)

Le chimiste du jour est toujours vivant, et même nonagénaire: parfait pour illustrer une recette de tsukemono de daikon (ou en vf: radis long en saumure).

La recette est très simple, du moment que l’on dispose d’un tsukemonoki et de yuzukoshô (purée de piment vert au yuzu). Alternativement, on peut bricoler avec un bocal et des poids, et remplacer le yuzukoshô par des zestes de citron et du piment frais ou en poudre.


Pour environ quatre portions: 200 g de daikon (à peu près une moitié de légume), 1/2 cc de sel, 1/4 cc de yuzukoshô

Peler le daikon, le couper en deux dans le sens de la longueur, puis en fines tranches d’environ 2 mm. Saupoudrer de sel et de yuzukoshô, bien mélanger puis tasser au fond du tsukemonoki. Laisser reposer au frigo quelques heures, ou en tout cas assez pour que les pickles soient immergés. Egoutter, servir en salade ou en garniture.


Recette largement inspirée de celle de Lutsubo

Si j’ai affublé Peter Armbruster de deux pickles oreilles de lapin, c’est un peu à cause de son prénom, mais surtout parce qu’il a l’air d’avoir de l’humour, en tout cas à en juger cette interview.

Petit jeu: chercher en plus du darmstadtium les quatre autres éléments du tableau périodique nommés en l’honneur d’une ville.

Cr(ackers aux olives et graines de courge)

La Table de Mangeleïev, épisode 5

Crackers -> crr crr crr -> Cr, symbole chimique du chrome -> découvert par Louis-Nicolas Vauquelin

« Il vient d’une famille pauvre: son père dirigeait les ouvriers du château d’Hébertot que possédait le petit-fils du chancelier D’Aguesseau. (…) Il expira tranquillement dans la nuit du 14 novembre 1829, alors qu’il essayait de traduire quelques vers de Virgile. »

Entre sa jeunesse et cette mort en charmante compagnie, une vie édifiante et fort remplie que des parents citeraient volontiers en exemple. Au nombre de ses découvertes, on retrouve la nicotine, l’asparagine, la pectine ou encore l’acide quinique: pensez à lui lors de votre prochaine cigarette, asperge, pomme ou gin tonic !


Pour une plaque de crackers: 85 g de farine d’épeautre, 80 g de farine de sarrasin, 30 g de graines de courges, 18 olives (dénoyautées et coupées en morceaux), 1 cs de zaatar, 1/4 cc de sel, 2 cs d’huile d’olive, 80 g d’eau

Préchauffer le four à 170°. Mélanger les ingrédients secs (graines de courge et olives incluses), ajouter l’huile et l’eau, former une boule de pâte et la pétrir quelques instants. Sur une plaque chemisée de papier cuisson, étaler la pâte avec les mains jusqu’à ce qu’elle atteigne une épaisseur d’environ 5 mm. Prédécouper 16 rectangles (avec le dos d’un couteau ou une corne à pâtisserie) et mettre au four pour 15 à 20 mn.


Recette adaptée du livre Vegan de Marie Laforêt


Pour les invités surprises et les partages chrétiens, voici la formule pour transformer 16 crackers en 100 rectangles !

Collages munichois

Comment occuper une nièce et un neveu ? En faisant des collages sur un livre plus tout jeune.

Comment occuper la tante ? En planifiant son prochain voyage à Munich.


Pour croiser des papillons à Munich, il faut aller au jardin botanique, surtout pendant les mois d’hiver. Ça tombe bien, notre hôtel n’est pas loin.


Pour les vers, il faut creuser (la question). Avec Wurm et München comme mots-clés, je tombe sur une belle promenade à faire le long de la Würm, dans l’ouest munichois.

Départ de Gräfelfing, au Weinbuchweg: on suit la rivière sur 8 kilomètres jusqu’à la Inselmühle à Untermenzing. Heureux hasard, c’est là que se trouve le Biergarten Inselmühle.



Pêche à la ligne ? Non…

Martin-pêcheur ?! Non plus… quoique cela serait l’occasion d’aller faire un tour au Tierpark.

Nous allons plutôt faire honneur à la cigogne et à son célèbre pas (pas celui-là): pour s’ouvrir l’appêtit et se fouetter les sangs, direction le bassin Kneipp, à l’ouest du Westpark. Les moins vieux iront à côté faire du toboggan.

Clap de faim devant une assiette de Schmarrn au Wirtshaus am Rosengarten (il y a le choix).



Au fait, qui occupe qui ?

Merci Nornisse, merci Gromet 🙂


La rêveuse


« Elle vit avec sa mère, Maria Iossifovna, qui est aujourd’hui une toute vieille femme ; elle est adorable : la vieillesse l’a embellie. » Voilà ce qu’écrit le 8 mars 1927 dans son journal Sergueï Prokofiev à propos d’une vieille connaissance.

À quoi rêve la petite fille de cette image, Carolina Codina ?
Au jour où son Prince viendra, ou aux jours heureux de sa vieillesse ?

C’est en faisant des recherches sur son mari que j’ai découvert l’histoire de Lina Prokofiev: pas vraiment un conte de fée, mais un vrai roman.

Et moi qui voulait parler de Cinderella

« Ce que j’ai voulu exprimer avant tout par la musique de Cendrillon est l’amour poétique de Cendrillon et du Prince, la naissance et l’éclosion de cet amour, les obstacles dressés sur son chemin et, finalement, l’accomplissement d’un rêve.

Encore des mots… toujours des maux !

8 mars 2021, je suis aux fourneaux et tout en écoutant une autre histoire de Cendrillon, je prépare le chocolat dont rêvent les femmes: avec des noisettes (trois ou plus), des fleurs (de sel) et des perles (en sucre) !


pour 3 plaques de chocolat: 150 g de chocolat noir, 150 g de chocolat au lait, 40 g de noisettes, 2 gouttes d’h.e. de vanille, 1 cc de nonpareilles, 3 pincées de fleur de sel

Torréfier les noisettes, les hacher en petits morceaux, les répartir au fond des moules. Faire fondre le chocolat au bain-marie, ajouter la vanille puis verser dans les moules. Saupoudrer de non-pareilles et de fleur de sel. Faire durcir au frais puis démouler. Conserver au frigo, comme le chocolat n’est pas tempéré.


Pour en revenir au mari de Lina et faire honneur à ses rêves d’enfant, j’écoute en la dessinant Musiques d’enfants et Juliette enfant.
Pour l’écouter elle, il y a cette version de Pierre et le loup.

Lina, Sergueï et Mira m’ont diablement rappelé Sylvia, Ted et Assia.



Foie gwaaaaa


En enquêtant sur les origines du foie gras, j’ai appris de drôles de choses.
Dans la Rome antique, les oies étaient gavées avec des boulettes de figues séchées, et c’est là qu’il faut chercher l’étymologie du mot « foie »: du latin « ficus » (la figue).
Que le nom d’un organe découle de l’une de ses formes pathologiques, voilà qui n’augure (que dirait le foie de Plaisance ?) rien de bon !

Plutôt que de dessiner un organe mal en point, j’ai préféré m’intéresser aux figues, et là aussi il y avait de quoi lire: c’est au moyen de figues fraîches que Caton l’ancien aurait convaincu ses concitoyens d’aller détruire Carthage ( même si la figue est un faux fruit, au moins figue il y avait).

La Figue de Solliès m’a servi de prétexte pour aller fureter du côté du sud et utiliser mon turquoise acheté jadis à Nice. Cette vue du Coudon m’a rappelé au bon souvenir du Pic des Mouches

… une recette de foie gras donc, mais point de figue de barbarie ici. Et d’ailleurs si une spécialité carnée emprunte le nom d’un fruit, je ne vais pas me gêner pour adopter sa version végane (et économique) !

Petite adaptation du nom tout de même, depuis qu’un allemand zêlé l’a prononcé ainsi.


Pour deux gros bocaux: 150 g de noix de cajou, 25 g de bolets séchés, 80 g d’huile de coco désodorisée, 20 g de beurre de cacao, 50 g de miso blond, 20 g de levure noble, 2 cs de cognac, 1 cc d’agar-agar, 1/2 cc de concentré de tomates, 1/2 cc de vinaigre de cidre, 1/2 cc de sel, 1/2 cc de poivre (5 baies), 1/2 cc de coriandre (en poudre), 1/2 cc de mélange 4 épices (donc 1/8 cc de cannelle, gingembre, girofle et muscade)

Mettre les noix de cajou à tremper durant 4 heures. Infuser les champignons dans 250 ml d’eau bouillante.

Dans une petite casserole, faire fondre l’huile de coco et le beurre de cacao.
Dans un blender, verser les noix de cajou égouttées, l’eau de trempage des champignons (utiliser ces derniers pour une autre recette: sautés avec des pommes de terre, par exemple), l’huile de coco et le beurre de cacao fondus, ainsi que le reste des ingrédients. Bien mixer puis verser dans la casserole. Tout en remuant bien, porter à ébullition, laisser buller pendant une minute et verser dans les bocaux. Les perfectionnistes et/ou les esthètes ajouteront une fine couche d’huile de coco fondue avec quelques grains de curcuma. Laisser refroidir et mettre au frais. Laisser figer idéalement 24 heures.

Étaler sur du pain et saupoudrer de fleur de sel (et pour boucler la boucle, des figues fraîches ou en confit).


Recette légèrement adaptée de celle de La petite Okara (qui explique bien mieux la marche à suivre). Merci à elle !